Michael Bourrassol est viticulteur bio dans le Gard, à Saint-Césaire-de-Gauzignan, en IGP Cévennes. Adhérent à la cave Saint Maurice dans les Cévennes, une partie de son vignoble est labellisée BEE FRIENDLY grâce notre partenariat avec Gérard Bertrand. Les bonnes années comme cette année, il atteint un rendement de 80-85 hL/ha. Deux apiculteurs posent chacun une trentaine de ruches en hiver sur son vignoble, dont Samuel Brun, apiculteur professionnel qui commercialise son miel sous le nom Miellerie des Bories. Pas de récolte de miel sur cet emplacement mais il y trouve beaucoup d’autres intérêts !
L’hivernage est une étape clé pour un apiculteur, c’est la période hivernale pendant laquelle les abeilles ont une activité ralentie : selon les zones, de fin septembre jusqu’au début de printemps.
Nous avons recueilli le retour d’expérience de Michael Bourrassol et de Samuel Brun : quels conseils pour une collaboration réussie en hivernage, quelles contraintes, comment entretenir des couverts bénéfiques pour les abeilles, etc.
Samuel, pouvez-vous nous nous expliquer comment fonctionne l’hivernage des ruches ?
Depuis 2 ans je mets une trentaine de ruches en hivernage, à côté d’une parcelle de Michael Bourrassol. Les ruches ne produisent pas de miel ! L’objectif est de trouver un endroit qui dispose de ressources alimentaires pour les abeilles (nectar et pollen) en fin de saison et au printemps, pour assurer un bon démarrage des colonies au printemps, et être sûr que les colonies auront assez de réserves de nourriture pour l’hiver.
L’exploitation de Michael, en plaine, cochait toutes les cases ! Je laisse les ruches le plus longtemps possible puis au printemps, je déplace mes ruches sur des zones plus en hauteur, pour démarrer la production de miel de mes gammes habituelles : acacias en avril/mai, puis châtaigniers, ronce, lavande, garrigue…
Pourquoi l’exploitation de Michael est particulièrement adaptée à l’hivernage de vos ruches ?

Tout d’abord, les parcelles de Michael sont remplies de fausses-roquettes l’automne et l’hiver, d’octobre à janvier, ce qui apporte beaucoup de ressource alimentaire pour les abeilles. Beaucoup plus que chez les voisins ! Les fausses roquettes font chez lui presque 2 fois la taille de celles des voisins.
Fausse roquette en inter-rang dans le Gard en automne, sur le vignoble Guiraud. Crédit photo : BEE FRIENDLY
Et en sortie d’hiver, au printemps, les abeilles sont folles sur ses parcelles, il y a énormément d’activité, grâce aux couverts en fleurs !
Ce qui est super c’est qu’il y a une diversité de fleurs dans les parcelles, le couvert n’est pas monofloral donc je pense que c’est mieux pour la santé des abeilles.
Je n’ai jamais mesuré l’effet, mais je pense que mettre les ruches à proximité de parcelles avec des couverts en fleur permet de moins avoir besoin de nourrir les abeilles en sortie d’hiver.
L’année prochaine, je vais aussi tester de faire des essaims (ie c’est une technique qui permet de créer de nouvelles colonies pour l’apiculteur) au printemps sur le domaine, je vais placer des ruchettes.

Couverts en fleurs (photos IGP Cévennes)
Michael, qu’est-ce ça change dans vos pratiques d’avoir des ruches en hivernage sur votre domaine ?
Honnêtement ça ne change rien, les ruches ne me dérangent pas. Et nous avions toujours fait attention à notre environnement : nous effectuons nos traitements phytosanitaires la nuit, nous ne faisons aucun insecticide depuis longtemps (pas de traitements obligatoires dans le cadre de la lutte contre la flavescence dorée).
Voir des ruches près des parcelles m’apporte la curiosité de mieux connaitre le cycle des abeilles. Quand on voit les ruches on sait qu’il faut faire attention.
En termes de ressources pour les abeilles, j’avais déjà décidé d’agir pour la mise en place de couverts pour la vie de mon sol, mais ce n’était pas spécifiquement destiné aux apiculteurs. C’est très bien que ça profite aussi aux abeilles, c’est d’ailleurs la vue de mes couverts en fleurs qui avait donné envie à Samuel de mettre des ruches près de mes parcelles.

1 : Destruction du couvert par roulage (photo Michael Bourrassol) – 2 : Couvert après roulage (photo IGP Cévennes)

Garder un couvert en fleur en début de printemps, c’est possible ! L’expérience de Michael Bourrassol (Gard) :
- Semis d’un couvert un inter-rang sur deux après les vendanges (mélange de féverole, moutarde, vesce)
- Les fleurs commencent à apparaitre sur le couvert à partir de mi-février
- Destruction du couvert par roulage (aucune fauche/tonte), pour en faire un mulch. Cette technique permet de laisser le couvert fleuri plus longtemps
- Date de roulage : en moyenne à partir du 15 avril. Ne pas rouler trop tôt, sinon l’herbe risque de repartir. Il faut rouler une fois que le couvert a atteint un stage bien avancé. Il faut être très vigilant sur la météo : si l’hiver très sec, le roulage peut éventuellement être fait avant. Il faut se décider au dernier moment en fonction de la météo et de l’humidité. S’il y a de l’humidité, il laisse pousser pour faire un paillage
Pour en savoir plus : Guide pratique : Mise en place de couverts végétaux en viticulture fait par le GIEE AARC en Vigne (Gard)
Fiche Préparer l’hivernage (ITSAP)
Le regard BEE FRIENDLY : Laisser ses couverts fleuris jusqu’en avril, est une pratique qui peut tout à fait s’intégrer dans les habitudes du viticulteur grâce au roulage, et a beaucoup d’avantages pour l’apiculteur, surtout sur les zones en majorité viticoles : elle permet de diversifier l’alimentation des abeilles, et d’apporter du pollen pour les besoins des larves (cf étude de l’ADA Occitanie), d’avoir des colonies en meilleure santé en sortie d’hiver. C’est également bénéfique pour couvrir les besoins des pollinisateurs sauvages : la féverole est notamment visitée par les abeilles à langue longue, comme les bourdons*. N’hésitez pas échanger en hiver avec votre apiculteur pour connaitre l’impact de vos pratiques.
Quand on apporte de la ressource florale dans les parcelles, une vigilance doit être accrue concernant les traitements phytosanitaires, pour éviter tout risque de contamination des abeilles, comme le préconise la règlementation Abeilles et les bonnes pratiques du référentiel BEE FRIENDLY.
Les analyses polliniques : un cout modéré pour mieux connaitre l’alimentation des abeilles
L’IGP Cévennes est porteuse du GIEE AARC en Vigne, un collectif de vignerons adhérents de quatre caves coopératives en Cévennes qui teste des pratiques agro-environnementales et dont BEE FRIENDLY et Gérard Bertrand sont membres. En avril 2022, le GIEE a réalisé une expérimentation en partenariat avec l’ADA Occitanie pour étudier l’utilisation par les abeilles des couverts végétaux semés entre les rangs de vigne. Les ruches placées à proximité des couverts du viticulteur Michael Bourrassol (composés de féverole et de moutarde) ont montré que jusqu’à 50 % des pollens présents dans les ruches provenaient des couverts végétaux. Dans les zones viticoles, les couverts peuvent donc représenter une source alimentaire importante pour les abeilles ! Si vous souhaitez réaliser des analyses de pollen sur vos parcelles, contactez votre ADA régionale. Prévoir environ 70€ par analyse.