Alexandre Ballaydier : Regard d’un expert sur la biodiversité agricole

24 Mar 2023 | Non classé

Alexandre Ballaydier est botaniste et phytosociologue indépendant (bureau d’études Klasea). Expert de la flore sauvage et des habitats naturels, il est aussi membre du comité de labellisation BEE FRIENDLY collège biodiversité. Basé dans l’est de la France, il intervient principalement dans le Dauphiné, les Savoies, l’Ain et le Jura franc-comtois. Son expertise apporte à BEE FRIENDLY un regard sur des thématiques liées aux continuités écologiques et à la mise en œuvre de mesures de gestion favorables au patrimoine naturel (enherbement, haies bocagères, etc.).

Quel est ton regard sur la gestion de la flore sauvage dans les exploitations agricole ?

Dans le conventionnel, la flore sauvage est vue trop souvent comme une adversaire des exploitants. Elle concurrencerait les cultures en s’appropriant de la ressource en eau et en nutriments au détriment de ces dernières. De plus ; le mythe d’une ‘‘nature propre’’ à la fois esthétique et preuve du ‘‘bon entretien’’ que le paysan fait de ses parcelles perdure.

Par définition, les milieux agropastoraux ont effectivement besoin de la main de l’homme pour exister. Mais dans le conventionnel, cette main a tendance à être trop lourde. De nombreuses pratiques ‘‘modernes’’ de l’agriculture conventionnelle sont également perçues comme nécessaires car inculquées aux agriculteurs depuis la seconde moitié du siècle dernier. Certaines d’entre-elle s’apparentent davantage à de la ‘‘pensée magique’’ qu’à des pratiques ayant réellement prouvé leur efficacité.

Aujourd’hui, ces pratiques et ces mythes ont tendance à exclure au maximum les espèces sauvages des exploitations. Ainsi, de nombreuses espèces dites messicoles (adventices des cultures) qui ont migré en France avec les premiers cultivateurs sont menacées de disparition. Les haies bocagères qui hier bordaient de nombreuses parcelles, sont aujourd’hui encore victimes d’arrachage.

Il conviendrait de remettre davantage d’espèces végétales spontanées dans les cultures et notamment en :

  • Changeant notre perception d’une belle parcelle, par exemple en trouvant beau des inter-rangs hauts et fleuris ;
  • S’interrogeant sur les interactions réelles entre les espèces spontanées et cultivées, des processus de coopération ou de facilitation pouvant exister entre les espèces ;
  • S’intéressant aux services écologiques gratuits rendus par la biodiversité (rôle coupe-vent des haies, préservation d’habitats pour les pollinisateurs ou les prédateurs de certains ravageurs, etc.).

Quels sont les avantages des fauches tardives après montée en graine pour la gestion de l’enherbement ?

Une fauche tardive permet à un maximum d’espèces végétale d’accomplir leur cycle de vie (de la germination d’une graine à la dissémination de ses propres graines). Faucher tardivement augmente donc la diversité d’espèces végétales présente. L’augmentation de cette diversité végétale entraîne logiquement une plus forte richesse animale.

Quels conseils peux-tu proposer pour améliorer la gestion de la biodiversité en milieu agricole ?

Il convient de réduire les interventions au stricte minimum (ce qui constitue également des économies de temps et de coûts). Faucher ou travailler le sol le plus tardivement possible, éviter de laisser des sols à nu, éviter au maximum les intrants (engrais et / ou produits phytosanitaires). Entretenir très extensivement les abords des parcelles. Ne pas faucher certains secteurs permettra sur le long terme la réinstallation de haies bocagères. Tailler ces haies à l’automne, hors des périodes de reproduction de la faune. Implanter un réseau d’arbre isolés et y installer des nichoirs. Des techniques de taille (exemple des arbres-têtard) permettent sur le long terme la création de micro-habitats (cavités, décollement d’écorce, etc.). Laisser des arbres morts sur pied tant que leur chute ne présente pas de danger pour les travailleurs ou les cultures.

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